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Les pointes sous les enceintes : couplage ou découplage ?
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Il est de règle, dans une installation hifi de qualité, de placer des pointes sous les enceintes. Curieusement, on ne voit jamais ces pointes dans les installations professionnelles. Alors, technologie ou intox ?
Si on écoute les arguments développés par quelques vendeurs, les pointes serviraient à découpler l’enceinte de son support, bien que tout le monde ne semble pas être du même avis. Un rapide coup d’œil sur Google montre que 98,5% des sites plaident en faveur du découplage contre 1,5% pour le couplage. En se rangeant du coté du plus grand nombre, on va d’abord examiner la théorie du découplage.
Quand un élément acoustique vibre, on cherche à éviter qu’il transmette sa vibration aux autres éléments qui l’entourent. Le découplage consiste à désolidariser les éléments entre eux, c'est-à-dire supprimer toute liaison mécanique rigide. Dans le cas qui nous intéresse, le but visé serait de ne pas transmettre les vibrations de la membrane du haut-parleur et du corps de l’enceinte au plancher ou à l’étagère servant de support.
Donc toujours d’après nos vendeurs, en réduisant la surface de contact, on limite la transmission en partant du principe que si la surface de contact était nulle, la transmission serait nulle également. Certains disent que la forme conique absorbe les résonances, d’autres arguent que le découplage évite que les vibrations du sol soient transmises à l’enceinte. C’est vrai, ça doit marcher aussi dans l’autre sens, surtout en cas de tremblement de terre !
La réalité est toute autre car les pointes ne découplent rien du tout, au contraire. Il suffit de regarder le pendule de Newton pour comprendre qu’une surface de contact rigide même réduite, transmet toute l’énergie. Les pointes sont en métal, le plus souvent en acier doré, chromé, poli. Jusqu’à preuve du contraire, l’acier est un excellent conducteur acoustique et ce n’est pas la forme conique qui modifiera cette propriété. Simplement, l’énergie est concentrée sur une petite surface au lieu d’être répartie.
Pas convaincu ? Imaginez une plaque d'acier posée sur votre tête. Vous donnez un coup de marteau dessus. Vous appréciez l’énergie transmise ? Maintenant, vous placez une pointe entre la plaque d'acier et le marteau. Est-ce que la pointe absorbe l'énergie du marteau ? Remplacez la pointe par un gros bloc de mousse. Est-ce que la mousse absorbe l'énergie du marteau ? Vous avez la réponse.
Est à dire que les pointes de découplage n’en sont pas ? L’affirmer serait inexact. Il existe des pointes de découplage et des pointes de découplage. Simplement, l’usage est différent.
L'intérêt des pointes sous les enceintes
Une enceinte de qualité est naturellement massive, rigide, amortie et n’a besoin d’aucun artifice pour fonctionner parfaitement. Ce n’est pas le cas des enceintes de taille réduite, trop légères pour amortir le mouvement de la membrane du haut-parleur. Les vibrations de l’enceinte, déformées par ses propres résonances, sont transmises à la membrane du haut-parleur et induisent des distorsions.
Alors, plutôt que d’emprisonner les vibrations, comme le ferait un découplage, il faut au contraire, les évacuer. Alourdir les parois de l’enceinte avec un matériau inerte augmenterait l’inertie et résoudrait le problème, mais la mise en oeuvre peut s’avérer délicate.
Il est plus simple d’évacuer l’énergie vibratoire vers une masse lourde reliée à l’enceinte. Pour cela, il faut que le couplage soit parfait et le simple fait de poser l’enceinte sur le sol ne suffit pas, pour plusieurs raisons. D’abord, un problème de planéité peut exister entre la base de l’enceinte et le support. La surface de contact est incertaine et variable suivant les vibrations, la souplesse du support, la température, etc.
Ensuite, la force de contact reste faible. En prenant comme exemple une enceinte de 30cm x 30cm à sa base et pesant 18kg, on obtient une force d’appui de 20g/cm², ce qui est peu. C’est là que les pointes interviennent.
Comment peut-on enfoncer une punaise dans un morceau de bois avec la seule pression du pouce ? Une punaise ayant pour diamètre 1cm aura une surface de 0,78cm². Si l’extrémité de sa pointe a pour diamètre 0,1mm, la surface vaut 0,0078mm² soit un rapport de 10000. La force exercée sur la punaise par le pouce sera intégralement transmise à la pointe mais avec une pression par cm² multipliée par 10000. Ainsi, une force de 5kg se traduit par une pression de 50 tonnes sur la pointe. Nous sommes en face d’un amplificateur mécanique capable de simuler une masse considérable sur le point de contact.
C’est exactement ce qui se passe avec les pointes. On limite le nombre d’appuis à 3, disposés en triangle pour s’assurer d’une parfaite stabilité (équilibre isostatique). Ainsi, la pression est mieux répartie. En reprenant l’enceinte de l’exemple précédent, la force d’appui est passée de 18kg répartis sur la base à plusieurs tonnes par pointe. Dans ces conditions, le couplage est optimal. Ne vous inquiétez pas pour la solidité du plancher, la masse totale est toujours 18kg.
Que devient l’énergie vibratoire ?
Coupler deux éléments signifie permettre à l’énergie de circuler librement entre eux. Le principe de fonctionnement veut que l’énergie vibratoire d’une l’enceinte légère soit évacuée vers une masse inerte dans laquelle elle se dissipe.
Tout ceci n’est possible que si le support est réellement massif lourd et inerte. Les fabricants et les magazines hifi oublient souvent de le préciser quand ils prétendent que les pointes améliorent les performances de l’enceinte. Le résultat recherché dépend grandement des propriétés du support. Le son sera différent selon que l’enceinte est posée directement sur un meuble, un parquet ou un carrelage. Toutefois, nous allons voir que ces trois supports présentent chacun des inconvénients à des degrés divers.
Supports souples
Le contact des pointes entre l’enceinte et son support crée une excellente liaison mécanique qui transmet la vibration, au parquet par exemple. A moins d’être collé directement sur une chape en béton, ce dernier vibre à son tour et rayonne comme une énorme membrane, remplissant la pièce de sons non désirés.
A certaines fréquences, le plancher entre en résonance. Sa vibration s’amplifie considérablement, introduit des colorations marquées aux fréquences concernées et prolonge la durée des notes, le temps que la résonance disparaisse. Ce phénomène qui fait généralement la joie des voisins, se manifeste surtout dans les graves. Il se traduit par une perte de d’intelligibilité, souvent improprement décrite comme une perte de définition. Un meuble, toujours trop léger, produit les mêmes effets.
Supports rigides
A l’inverse, une chape de béton recouverte par un carrelage apportera l’inertie nécessaire pour amortir l’enceinte. Une moquette assez fine pour que des pointes longues la traverse et restent en contact avec la surface dure (spikes), donnera aussi un bon résultat. Mais cette technique a un revers. Le plancher en béton est généralement solidaire du bâtiment et le couplage entre l’enceinte et la construction aide l’énergie à se propager dans tout l’immeuble. Par conséquent, il est déconseillé d’utiliser les pointes dans un immeuble collectif, quand vos enfants dorment ou si votre entourage ne partage pas votre passion.
Certains audiophiles intercalent une dalle en marbre ou en granit entre les pointes et le plancher. La dalle repose sur une fine couche de liège ou du feutre. L’idée n’est pas mauvaise en soi. Les vibrations de l’enceinte sont évacuées vers la dalle à travers les pointes et les vibrations résiduelles sont isolées du plancher par la semelle de liège.
Mais, pour que cette recette soit efficace, deux conductions doivent être respectées. D’abord, il faut que la masse de la dalle soit significative en regard de celle de l’enceinte. Pour une enceinte pesant moins de 40kg, le support rigide doit représenter au moins 4 fois le poids de l’enceinte et davantage s’il d’agit d’un caisson de graves.
S’autre part, la raideur d’une semelle mince est trop grande pour absorber les vibrations résiduelles. Seuls, des ressorts ou des plots amortisseurs en élastomère adaptés à la charge et à la fréquence des vibrations, peuvent prétendre à cette fonction. La résonance du système masse ressort doit être surveillée et sa fréquence contrôlée au risque de faire plus de mal que de bien.
Si cela vous paraît démesuré, sachez que dans certains studios d’enregistrement, même modestes, les enceintes de 80 à 120kg sont posées chacune sur un socle indépendant en béton pesant une à deux tonnes, amorti par des 4 à 6 ressorts, le système étant calculé pour résonner à 3Hz. Les résultats, appuyés par les mesures, sont sans appel.
Conseil : Il ne faut jamais poser une enceinte sur une estrade ou un proscenium en bois ni sur un portique.
Cas particulier : l’électronique et le découplage mécanique
Bien que moins répandues, les pointes dites de découplage existent aussi. Elles servent à protéger les appareils électroniques souvent exposés aux vibrations du plancher ou du meuble sur lequel ils reposent. Mais le terme est inapproprié. Si l’appareil à protéger est suffisamment lourd, les supports de découplage n’ont nullement besoin d’être des pointes. Des pieds en caoutchouc, adaptés là encore à la charge et aux fréquences de vibration, rempliront parfaitement ce rôle.
Si l’appareil est léger (moins de 20kg), ses organes internes (moteur, transformateur) génèrent des vibrations qui peuvent perturber la lecture ou le traitement du signal audio. C’est le cas notamment pour les lecteurs, les platines, les amplificateurs à tubes. Il convient d’éliminer ou d’évacuer ces vibrations. Le schéma du paragraphe précédent convient parfaitement. L’appareil, doté de pointes de couplage est posé sur une dalle en pierre d’un poids au moins égal, dont l’inertie apporte l’amortissement. La dalle est ensuite posée sur des plots amortisseurs pour protéger l’ensemble des vibrations extérieures.
Pour ne pas entretenir la confusion, hélas trop fréquente, il vaut mieux réserver le terme pointe aux enceintes et utiliser les mots pied, plot ou patin de découplage pour l’électronique.
Résumé
Les pointes aident à stabiliser l'enceinte posée sur 3 points pour éviter qu’elle oscille. En concentrant la masse sur ces points, elles forment un amplificateur mécanique qui facilite l’écoulement de l’énergie vers le support de l’enceinte. Si le support est suffisamment lourd et inerte, l’énergie vibratoire est évacuée. L’enceinte vibre moins, la distorsion disparaît, les sons graves sont plus nets, plus précis.
Si le support est souple ou léger, il capte la vibration, résonne et dégrade les performances de l’enceinte. Un socle lourd, rapporté sous l’enceinte et découplé du sol par des plots amortisseurs adaptés, résout le problème.
Une enceinte lourde, massive, amortie posée sur un plancher comparable, n’a pas besoin des pointes de couplage.
Sachez enfin que l’emplacement des enceintes et la position du point d’écoute auront un impact nettement plus grand sur la qualité de l’écoute que les pointes de couplage.
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